Les trois vérités du serin
un conte indien qui nous invite à réfléchir sur la cupidité et la jalousie
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Un chausseur prit au piège un petit oiseau couleur jaune, un serin. Il allait le tuer pour le faire cuire car il était tiraillé par les cris de son corps en dépit de la maigre prise, lorsque le petit oiseau s’adressa à lui :
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– Regarde moi ! Vois ! Je suis minuscule et maigre. Tu ne feras de moi qu’une bouchée. Laisse- moi la vie sauve et je te révélerai trois vérités qui te seront utiles dès demain et tout au long de ton existence.
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A cette époque, en ces temps reculés, les hommes et les animaux terrestres avaient l’habitude de se comprendre et de parler ensemble lorsque la nécessité se faisait force de loi.
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– Comment te croirai-je ? répliqua le chasseur. Ce n’est qu’une ruse, un mensonge éhonté de ta part, pour avoir la vie sauve !
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– Non, non ! jura l’oiseau. Je t’assure ! Je te dirai la première vérité lorsque je serai encore dans ta main ; la deuxième une fois perché sur ton épaule et tu pourras toujours m’attraper facilement ; et la troisième dès que je serai là-haut sur la branche, dans l’arbre, toujours à ta portée.
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Le chasseur jugea le marché équitable.
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– C’est d’accord, fais-moi entendre la première vérité.
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– Si tu perds quelque chose, lui dit le serin, tu ne dois jamais le regretter, car la vie doit aller de l’avant, et non s’encombrer du passé. Que demain ne soit pas l’otage d’hier, car vivre dans le passé, être dans la nostalgie, c’est oublier le présent et se fermer les portes du futur… Vivre, c’est vivre l’instant présent.
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Le chasseur réfléchit et trouva que c’était une bien belle vérité. Combien de gens ne cessent de ressasser le passé “avant, c’était mieux !”. Et il en faisait partie…
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Il tint donc parole et laissa l’oiseau s’envoler vers l’arbre voisin.
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– Si l’on te raconte quelque chose d’absurde ou d’invraisemblable, lui cria le serin, refuse toujours de le croire, à moins qu’on ne t’en donne une preuve éclatante. Fais confiance mais vérifie par toi-même et multiplie tes sources.
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Le chasseur acquiesça avec force car combien de ses semblables ne prennent plus le temps de réfuter, de vérifier, d’argumenter et d’arrêter de vivre des “abrégés du vrai”…
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Sur ce, l’oiseau s’envola hors d’atteinte et commença à rigoler, à rire et à se moquer du chasseur.
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– Comme tu es bête et comme je t’ai bien eu ! Sache qu’il y a dans mon coeur deux diamants pesant chacun plus de cinquante grammes. Non seulement si tu me tuais, ils étaient à toi… tu serais riche, et en plus tu te serais fats plaisir en te délectant de ma chair tendre et parfumée… Mais tu m’as laissé partir !
Fou de rage, le chasseur s’en arracha les cheveux en regrettant de ne pas avoir tué l’oiseau. Puis il dit au serin :
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– Je le savais, je le savais ! Tu vois, la vie n’est qu’un mensonge. Mais au moins, tu as la vie sauve, en contre-partie, révèle-moi au moins la troisième vérité !
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– Pour quoi faire, lui répliqua le serin, puisque tu n’es qu’un idiot qui ne met pas en pratique ce que nous venons de dire ? Je t’avais dit de ne jamais rien regretter, et tu regrettes déjà ton geste de m’avoir libéré. Je t’avais dit de ne pas croire des choses invraisemblables, et tu as cru qu’un petit oiseau comme moi, qui ne pèse pas plus de quinze grammes dans ta main, peut renfermer deux diamants de cinquante grammes. Pauvre fou !
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Mais voici tout de même la troisième vérité qui te concerne plus que tout autre et concerne tous tes semblables : la convoitise, la cupidité, la jalousie aveuglent le cœur des hommes et ce sont par elles que vous êtes tous abusés.
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Sur ces belles paroles, le petit serin s’envola à tout jamais…